Alejandra Pizarnik est née le 29 avril 1936, aussi en ce mois d’avril 2021 nous célébrons son 85ième anniversaire posthume. Cet événement suscite l’occasion pour les chercheurs de publier de nouvelles études sur l’importance de son œuvre littéraire. Citons pour exemple la revue Caras y caretas à Buenos Aires qui consacre son numéro d’avril à notre écrivaine. A Madrid, Mayda Bustamante vient de publier un volume collectif qui réunit 85 collaborations autour de la poétesse du Río de la Plata : Alejandra Pizarnik y sus múltiples voces. Et pour ce qui est de la France, une nouvelle traduction française du journal (1954-1960) vient de paraître chez Ypsilon : il s’agit de la version de Clément Bondu.

Pour la BU du Mans, cet anniversaire représente l’opportunité de revenir sur notre fonds Pizarnik, élaboré et enrichi au cours des années, qui constitue aujourd’hui un des meilleurs fonds de bibliothèque française sur cette grande écrivaine.

Le fonds documentaire de la BU du Mans comprend une centaine d’œuvres et d’études critiques, rédigés en français et en espagnol. Ce fonds d’étude intègre des documents relativement anciens et des ouvrages récents, des monographies, des ouvrages collectifs, des revues.

Les points forts de ce fonds sont multiples. On y trouve des périodiques publiés en Argentine, tels la revue Sur dirigée par Victoria Ocampo, Davar ou Testigo parmi d’autres, avec des collaborations d’Alejandra Pizarnik. On peut y repérer des numéros isolés de revues traitant au moins partiellement de l’œuvre de cette auteure, des biographies, des correspondances, des recueils de conférences, et de nombreuses études critiques dans des éditions étrangères, qui pour certaines ne se trouvent, dans le réseau universitaire français, qu’uniquement au Mans. Notre bibliothèque détient aussi des traductions en langue espagnole de Marguerite Duras ou d’Antonin Artaud dues à Alejandra Pizarnik.

Pour une première approche de la poésie de Pizarnik, on peut recommander des recueils tels L’Arbre de Diane ou Les travaux et les nuits, réunissant des textes plus classiques dans une langue épurée. On peut se rapprocher par la suite de recueils plus complexes, plus libres aussi, comme Extraction de la pierre de folie, dont le titre s’inspire d’un tableau de Bosch, ou encore des derniers poèmes rassemblés sous le titre de Textes d’ombre. Cette lecture peut s’accompagner de l’exploration de la riche correspondance de notre auteure : les échanges avec son psychanalyste León Ostrov sont traduits en français, et les lettres entre Alejandra Pizarnik et André Pieyre de Mandiargues ont été soigneusement éditées par Mariana di Ció. Il importe également de mentionner les correspondances en langue espagnole compilées par Ivonne Bordelois et Cristina Piña. Notre bibliothèque possède aussi les différentes éditions du journal en langue espagnole et en langue française qu’Ana Becciu a éditées et dont les manuscrits se trouvent à l’université de Princeton.

D’autres documents complémentaires sont aussi disponibles à la BU du Mans, comme des études concernant Juan Batlle Planas, peintre surréaliste et professeur de dessin d’Alejandra Pizarnik. Cela est important car l’œuvre de notre poétesse comporte une dimension plastique importante. En ce sens, Isabella Checcaglini, éditrice française, a bien saisi l’intérêt de respecter la relation entre le texte et l’espace de la page lors de la publication des poèmes. Par ailleurs, la couleur lilas des livres restitue un choix chromatique très présent dans les textes de Pizarnik.

L’étudiant en littérature argentine lira avec profit le récit de La comtesse sanglante, réécriture du roman historique de Valentine Penrose (dont on trouvera aussi des exemplaires en sa version française et sa traduction espagnole avec une préface de María Negroni). Ce récit, que certains considèrent un essai, constitue une approche de la prose narrative à laquelle aspirait Pizarnik depuis sa jeunesse. Mais le texte incarne aussi la séduction qu’exerce sur notre écrivaine, depuis son séjour parisien, la pensée de Georges Bataille. La version de Pizarnik, à la différence de celle de Penrose, s’accompagne d’épigraphes pris pour la plupart dans la littérature française et qui constituent une brève anthologie de la littérature du mal et de la perversité. La dernière édition en langue espagnole est illustrée par Santiago Caruso : des dessins où les tonalités rouges et noires créent une atmosphère gothique et terrifiante. Ce texte en prose n’est pas non plus étranger à l’esthétique du conte des fées, mais les scènes de torture et les châtiments font penser aux souvenirs que Pizarnik gardait des histoires familiales, des persécutions et des crimes commis par le nazisme. D’autres pensent que Pizarnik annonce sans le savoir la terrible dictature argentine de 1976. En tout cas, La comtesse sanglante est riche en significations et mérite une lecture réfléchie.

Le chercheur intéressé par l’œuvre en prose de notre auteure pourra se pencher sur l’édition espagnole préparée par Ana Becciu, qui contient également des comptes rendus de lecture sur Cortázar, Michaux, Breton, Borges et Bioy Casares, parmi d’autres. Pizarnik a aussi écrit des contes, certains publiés dans cette même édition, d’autres qui restent encore éparpillés, comme celui qu’édite Florinda Goldberg dans la revue Reflejos , « El viento feroz », présent dans notre bibliothèque.

Ceux qui souhaitent explorer la biographie de Pizarnik pourront, outre les journaux et les correspondances, parcourir les premiers essais concernant cette thématique dus à Julieta Gómez Paz, Juan Jacobo Bajarlía o Bernardo Ezequeil Koremblit.

Voilà un éventail de documents, accessibles pour la plupart à toutes et à tous. Ce fonds s’enrichit de jour en jour. Dans les toutes récentes acquisitions on peut compter un numéro de la revue Argile, publié en 1976 et qui contient un choix de poèmes dû à Hector Bianciotti que Claude Esteban traduit de manière remarquable.

Texte écrit en collaboration avec Fernando Copello, enseignant-chercheur en littérature hispanique, membre du laboratoire 3Lam

Notes : la plupart des textes cités dans cet article se trouvent au 1er étage de la BU, en salle D (Lettres et langues), sous la cote 868.993 2 PIZ.

Certains documents sont localisés en réserve, comme la revue SUR, sous les cotes : R°2273 à 2829, ou la revue Testigo (Cote BU : R°2825).

Le personnel de la BU peut vous aider à localiser ces documents.

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